D136 lettre du dactylographe

 

Sr D. Enrique Villagrasa

Madrid, 4 juin 1967

Très cher monsieur,

Il y quelques mois je vous ai écrit une lettre au sujet d’une réunion que nous avions projeté, réunion qui comme je le dirai plus loin n’a pu avoir lieu. Je suis la personne qui a écrit à la machine jusqu’à maintenant ce que les messieurs de la planète Ummo m’ont dicté. Vous êtes sûrement au courant de tout ce qui s’est passé ces derniers jours et je ne peux résister à la tentation de me confier à vous. Je crois que ce qui est arrivé dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

Je veux vous rappeler que, dans ma dernière lettre, je vous ai raconté toute mon histoire qu,i si on la contait à d’autres, beaucoup me croiraient fou, mais vous les connaissez et pouvez me comprendre. Même ma femme était sceptique jusqu’à ces derniers jours et croyait qu’ils étaient des agents d’espionnage (vous savez que quand une femme se met quelque chose en tête, elle ne raisonne pas et on ne peut la convaincre avec des arguments). A la vue de ce qui est arrivé, elle a bien dû se rendre à l’évidence car ceux qui ne connaissent pas cette affaire feront peut-être bien de ne pas la croire, mais ceux qui l’ont vécue, et je crois que je l’ai vécue plus que vous, seraient fous de ne pas admettre les faits.

Depuis quelques mois et après que je vous aie écrit, il s’est passé beaucoup de choses. Vous souvient-il de la proposition que nous fîmes à cette personne à qui ils écrivaient beaucoup et qui était professeur de médecine et ne croyait pas non plus qu’ils venaient d’UMMO (je suppose qu’il a dû changer d’avis depuis) ?

Bon : à leur retour ils l’apprirent et furent assez fâchés, ils nous interdirent de programmer cette réunion, indiquant qu’ils rompraient toutes relations avec nous si nous la maintenions, partant du principe que nous avions promis fidélité au secret de cette affaire. Je rendis visite au Docteur et il me reçut, préoccupé par cette affaire.

Il me dit que tout était confus et étrange dans cette affaire (Je ne la vois pas si confuse et encore moins maintenant). Il me dit aussi qu’il admettait que les faits étaient très extraordinaires et qu’il était en correspondance avec un autre médecin d’Amérique du Nord qui recevait aussi des documents et que oui, celui-ci croyait qu’il s’agissait d’extraterrestres, mais lui ne pouvait l’admettre car c’était absurde (c’est peut-être absurde, mais moi personne ne me fera changer d’avis) . Il croyait qu’il s’agissait d’une quelconque commission secrète d’un quelconque État avec des buts qui nous sont inconnus. Quel besoin de chercher la petite bête; ce monsieur est professeur et très intelligent mais, si on ne croit pas certains faits, il faut alors les expliquer d’une manière plus logique et ne pas donner une explication encore plus absurde). De toute manière, il reconnut que c’étaient des étrangers exceptionnels avec une érudition et des méthodes inconnues de la médecine.

De toutes façons, il reconnut qu’il leur devait beaucoup et que l’attitude chevaleresque consistait à accepter la demande qu’ils nous ont faite de ne pas convoquer, comme nous l’avions prévue, une réunion de tous ceux d’entre nous qui les connaissons personnellement soit par lettres soit par téléphone. La femme de ce professeur qui était présente ( j’étais moi-même avec ma femme), était aussi d’accord pour respecter le secret qu’ils nous demandaient, par contre elle était plus croyante que son mari. Bien entendu, pour respecter la vérité, il ne disait pas que ce n’était pas vrai mais il hésitait avant de le dire.

Sur ce, d’autres messieurs d’UMMO vinrent à la maison. Je fis la connaissance d’un qui ne parlait pas et d’un autre qui paraissait très vieux et qui était resté très longtemps en Amérique du Sud. Ces jours là nous avons eu beaucoup de travail et je sais qu’ils dictaient aussi des lettres à un autre homme qui est auxiliaire administratif. J’écrivis à d’autres hommes à qui nous n’avions jamais écrit auparavant, tous de Madrid sauf un de Valence, celui-ci était aussi médecin, et les autres sont : un ingénieur de l’I.C.A.I., un écrivain, un professeur d’université en sciences exactes, et deux autres dont j’ignore la profession. J’ai parlé au téléphone avec le professeur des sciences exactes et celui-ci était très intrigué, il me posa plusieurs questions et, pour finir, il me dit qu’il croyait que c’était moi qui écrivait ces documents qui traitent d’ une chose qui s’intitule THÉORIE DES RÉSEAUX et son application aux processus stochastiques. (Si vous aviez vu son étonnement à la réponse qu’ils lui firent ! Ce fut laborieux de lui faire comprendre que je n’avais pas étudié les mathématiques et que je n’étais pas professeur comme il le disait). Par contre, ils ont cessé d’écrire à quelques messieurs qu’ils connaissaient avant, par exemple l’ingénieur industriel.

A ce sujet, mon beau-frère, qui était informé de ce qui se passait, eut une brouille avec moi; il pensait que cette affaire pourrait nous amener de sérieux ennuis, mais moi si on ne me donne pas de raisons je n’accepte pas de conseils. Je lui répondis en lui demandant quel type d’ennui il pouvait m’arriver. Car moi en tapant à la machine les choses qu’ils me dictent, je ne fais rien contre la loi. La vérité, c’est qu’il avait plus peur que moi, car il était persuadé qu’ils disaient la vérité au sujet de leur origine d’Ummo.

Mais moi à force de les fréquenter, je suis convaincu que ce sont les meilleures personnes que j’ai vues dans ma vie. Nous aimerions bien, nous de la Terre, avoir ce manque de méchanceté qu’ils ont et si compréhensifs et impartiaux pour comprendre les choses si intimes. Il suffit de voir la douceur et le sérieux avec lesquels ils réprimandent et disent les choses, font des dessins. Et n’allez pas croire qu’ils sont naïfs ; rien qu’en te regardant, il semble qu’ils te pénètrent.

Mais à la fin de l’année dernière, ils me dictèrent des choses dans lesquelles ils disaient à l’un de leurs correspondants que l’un de leurs vaisseaux interplanétaires allait venir entre janvier et mai.

Effectivement, lors d’une visite que me firent deux d’entre eux le dimanche 14 mai, ils me dictèrent une lettre qui m’étonna, c’était une lettre commerciale adressée en Australie, demandant des informations au sujet de panneaux isolants therrmoacoustiques. Ils ne m’avaient jamais rien dicté de semblable. Le plus curieux est qu’ils me portaient des feuilles et une enveloppe timbrée avec le nom d’une firme commerciale madrilène spécialisée en décoration de locaux commerciaux. (Bien entendu par curiosité je suis allé à cette adresse et je sais qu’il s’agit d’un architecte à qui nous n’avons jamais écrit).

De plus, ils commencèrent à venir à la maison avec plus d’assiduité pour me dicter des choses de nature scientifique, mais en revanche ils se désintéressaient davantage de cette affaire car, avant, dès qu’un document était écrit il était vérifié par leur supérieur qui s’appelait Dei 98 et qui m’ordonnait de l’expédier immédiatement par courrier. Maintenant à l’inverse, ils me dictaient plus de choses et me donnaient une espèce d’agenda avec des instructions pour que je les envoie séparément à des dates distinctes à chaque personne. Par exemple une chose que je vous ai envoyée au sujet de l’affaire mathématique des ibodoo uu, je l’ai gardée quelque temps en attendant la date choisie par eux.

Le jour de la Fête-Dieu, ils m’appelèrent le matin à 11 heures. Je n’étais pas là et ils eurent mon épouse. Ils dirent qu’ils rappelleraient à 14 heures. Le monsieur qui était leur supérieur, Dei 98, téléphona et me demanda s’il pouvait parler à ma « yie » (ils nomment leurs épouses yie) et avec moi à six heures du soir pour une affaire importante pour eux. Je leur dis que oui et j’en parlais avec ma femme très inquiète car il insista pour qu’il n’y ait personne à la maison à cette heure-là en dehors de nous.

A l’heure dite arriva Dei 98 avec un autre que je ne connaissais pas et qu’il me présenta comme IAUDU 3. Ce dernier ne prononça pas une parole. Nous nous réunîmes dans la salle à manger et Dei 98 nous dit à ma femme et à moi qu’ils attendaient, à partir du 31 mai ou peut-être un peu avant, un de leurs vaisseaux qui allait atterrir à Madrid et que, pour cette raison, nombre de leurs frères (ils se nomment frères entre eux, bien que ce ne soit pas de sang) étaient venus à Madrid. Il désirait de nous ce qu’il appelait une grande faveur. Il nous dit que le jour suivant arriverait à Madrid celle qui était leur supérieure ou chef de tous ceux qui étaient ici sur Terre. Il dit qu’elle arriverait de Singapour via Londres et qu’ils avaient commencé à prévoir son logement parce qu’ils préféraient qu’elle passe la nuit dans un domicile particulier plutôt qu’à l’hôtel, en subordonnant ce plan au fait que ma femme et moi acceptions, mais en nous suppliant de ne pas nous sentir du tout obligés et que si nous voyons un quelconque inconvénient, ou si nous avions peur, de le leur dire en toute liberté.

Ma femme s’empressa de dire qu’elle acceptait mais qu’elle était gênée car notre maison n’avait pas les commodités d’un hôtel et que la supérieure dormirait dans notre lit conjugal et que nous nous contenterions du sofa ou nous irions dans la maison de ma belle-mère si nécessaire. Moi, de mon côté, je dis que l’unique préoccupation était de chercher une explication au cas où les concierges viendraient à être au courant mais en réalité ce n’était pas un grand problème car il suffirait de dire, par exemple, qu’il s’agissait d’amis de nationalité suédoise que nous avions connu lors de nos vacances à Malaga.

Dei 98 fit remarquer que celles qui passeraient la nuit étaient deux femmes Yu un, fille d’Ain 368 et une autre « sœur » qui, comme je vous le dirai plus loin, devait être en même temps sa secrétaire et sa femme de chambre (je vous le conterai ensuite car nous eûmes le temps de parler avec elle) et nous dit ensuite quelque chose qui nous étonna : qu’en aucune manière elle ne dormirait dans notre chambre en nous mettant dehors. Que nous n’avions nous mêmes qu’à choisir une pièce libre et que sa sœur dormirait sur le sol !!! Quant à l’autre sœur, elle ne pouvait dormir en même temps que sa supérieure.

Le 26 mai à six heures du soir, arrivèrent Asoo3, fils d’Agù 28, que je connaissais déjà car il m’avait dicté des choses pour différentes personnes, et le même homme silencieux de la veille. Ils avaient une valise de modèle courant en cuir très moderne et de taille moyenne qui constituait peut-être les bagages des deux dames ou demoiselles qui allaient venir. Ils bavardèrent avec nous après nous avoir demandé de visiter toutes les pièces. Ils nous dirent qu’ils attendaient la nuit pour faire quelque chose. La supérieure arriverait vers les dix heures et demi. Nous apprîmes aussi que dans la rue attendaient « de nombreux autres frères ». Ils n’acceptèrent rien d’autre que de l’eau.

L’obscurité tombait quand ils nous prièrent d’éteindre la lumière de la salle à manger et d’ouvrir en grand le balcon. Celui qui ne parlait pas espagnol resta assis les yeux fermés et immobile comme s’il était hypnotisé, et l’autre sortit une sorte de plume stylographique et celle-ci commença à émettre comme un bourdonnement continu avec des hauts et des bas, car on était en train de leur communiquer quelque chose. Tandis que l’autre se réveillait de temps en temps et lui parlait dans sa langue. La nuit était déjà tombée. Il devait être dix heures moins vingt, ils mirent la valise devant le balcon et l’ouvrirent. Ma femme et moi étions assis sans dire un mot et très impressionnés. Comme en face de chez nous il y a une enseigne au néon d’un magasin d’électricité et d’appareils ménagers, on voyait bien ce qu’ils faisaient, bien qu’il n’y ait pas de lumière dans la maison. En premier ils regardèrent s’il y avait quelque un sur les balcons de l’autre côté de la rue, qui ne sont pas loin mais pas tout à fait en face du nôtre. Ensuite, ils commencèrent à sortir de la valise des boules d’aspect métallique de la grosseur d’une balle de tennis et d’autres plus petites. Moi j’en avais déjà vu une quelques mois auparavant. C’est quelque chose d’extraordinaire. Elles se maintiennent en l’air et se dirigent à toutes les hauteurs comme contrôlées par radio. Deux autres en sortirent qui ne se voyaient pas trop bien et qui avaient un forme semblable à celles-ci : Image1


Au total ils en sortirent près d’une vingtaine de différents types. Ils les mettaient une à une sur le balcon comme s’il s’était agi de bulles ou de petits globes, et elles disparaissaient dans la rue. Au moins quatre boules de plus passèrent près du plafond en rasant la lampe et se postèrent dans le couloir de la maison. Ensuite après nous avoir demandé la permission, ils sortirent dans le couloir et on les entendit ouvrir la porte de la rue. Quand ils revinrent la valise était vide. Celui qui ne parlait pas espagnol manipulait une baguette métallique avec un disque au centre :

Image2

A onze heures moins le quart, on frappa à la porte. Le plus étonnant est que, tout en étant en train de parler avec nous, Asoo 3 nous dit qu’elles étaient arrivées et, bien que je sache que le portail ne ferme que plus tard, ils me dirent qu’il n’était pas prudent qu’ils descendent pour les recevoir.

Nous sortîmes ouvrir, très nerveux. Accompagnées par DEI 98 il y avait deux jeunes filles. Une très grande et l’autre beaucoup plus jeune et menue. Elles avaient des manteaux en daim très modernes de couleur marron pour la plus grande et vert paille pour la plus jeune. Nous savions déjà qu’il s’agissait de la supérieure car elle avait un sac à main, mallette en skaï ou plastique avec une inscription BEA des lignes aériennes. Elles n’avaient pas d’autres affaires. Les deux étaient blondes et la chevelure tombante. Elles portaient des vêtements très modernes mais discrets.

La plus menue (qui était le chef) avait l’accent anglais et parlait très mal l’espagnol bien qu’elle le comprît. Elle se dirigea vers ma femme et lui dit qu’elle la remerciait de tout cœur pour l’hospitalité du « pays Espagne ». Nous passâmes tous dans la salle à manger une fois que les deux messieurs furent partis. De toute ma vie je ne me suis jamais senti aussi gêné car au moment où nous nous sommes assis la demoiselle « Yu » un, ma femme et moi, la plus grande qui s’appelait quelque chose comme UUOO cent vingt et quelque chose et Dei 98 qui est l’homme qui m’a le plus impressionné dans ma vie par son intelligence infinie, restèrent debout, ce qui créa une situation pénible et à ce sujet je fais une critique, car bien qu’il s’agisse d’une de leurs coutumes de rester debout face à un supérieur, ils durent se rendre compte que ma femme et moi étions très gênés.

Par exemple moi, à qui rien n’échappe, je notais que chaque fois qu’elle leur demandait quelque chose ils répondaient en baissant les yeux comme s’ils n’osaient pas la regarder. C’était presque une enfant, d’après ce que nous savons, elle ne devait pas avoir plus de dix-neuf ans mais en paraissait seize. L’autre devait avoir vingt-trois ou vingt-cinq ans. Ensuite ce qui nous choquait, ma femme et moi, c’est que ce soit la plus jeune qui commande et nous ne nous sommes pas gênés pour le leur dire. Les trois se mirent à rire et elle me dit qu’il ne fallait pas croire que toutes les jeunes filles commandaient sur UMMO, et que cela dépendait de nombreux facteurs.

Nous parlâmes beaucoup des coutumes espagnoles. La seule chose qui lui répugnât était les taureaux. Elle nous posa beaucoup de questions sur le régime espagnol, elle était au courant de beaucoup de choses, du référendum et même des Cortès, et je lui dis que depuis la guerre où les rouges avaient tué mon père, nous n’aimions pas beaucoup parler de politique. Je fus stupéfait de ce qu’elle savait. Ma femme l’écoutait très intimidée, sans oser parler. Elle s’en rendit compte et avec beaucoup de douceur commença à parler de la cuisine espagnole et qu’elle était triste de savoir que les femmes espagnoles lisaient peu et qu’elles n’étaient pas formées intellectuellement comme les hommes, alors qu’elle était sûre que la féminité ne se perdait jamais avec une plus grande éducation. Ensuite, elle regarda l’autre en souriant et celle-ci ouvrit le sac et remit à ma femme une merveilleuse encyclopédie du foyer avec des planches en couleurs et en espagnol.

Nous mangeâmes là et ma femme fut étonnée parce qu’ils l’obligèrent à se laisser aider par elles. Ce qui nous a étonné le plus c’est qu’ils mangèrent comme nous mais refusèrent de boire du vin. Ils nous avaient dit qu’ils désiraient un repas sobre et ma femme avait préparé à l’avance des pommes de terre bouillies, des œufs durs et pour eux des fruits (oranges et bananes). Autre chose gênante qui nous mit au supplice, à la fin du repas la supérieure se mit elle-même à faire la vaisselle et sa secrétaire demeura debout sans l’aider, c’est ce que me dit ma femme dont la timidité avait disparu et, pendant qu’elles séchaient la vaisselle, elles parlèrent beaucoup. Nous étions resté dans la salle à manger à parler, Dei 98 et moi. Quelque chose d’autre nous choqua, avant de commencer à dîner, ils nous demandèrent la permission d’ôter leurs chaussures. La secrétaire se mit à genoux et, avec simplicité, elle ôta les chaussures de sa chef, ensuite ils ôtèrent les leurs. Ils s’assirent durant le repas mais ne parlèrent pas tant qu’elle ne les interrogea pas.

Le plus surprenant se passa ensuite : très discrètement, ils nous demandèrent la permission de se retirer. Nous les suppliâmes à nouveau de dormir dans notre lit ou au moins sur le canapé lit, mais ce fut inutile.

Dei 98 alla dans la rue. J’appris qu’il se rendait dans un hôtel voisin où ils avaient provisoirement installé une sorte de quartier général. Je crois que leur seule mission était de protéger la demoiselle Yu un.

Je crois aussi qu’ils furent quelques-uns à tourner dans les environs toute la nuit.

J’ai dit que c’était très surprenant, en effet elle ne voulut même pas accepter la couverture que lui proposait ma femme. Elle nous dit en souriant qu’elle allait tout simplement dormir sur le sol, dans la salle à manger même. Nous étions sans savoir que faire ni que dire. La plus grande qui parlait beaucoup mieux l’espagnol que sa supérieure nous demanda la permission de « mettre quelque chose par terre » et nous dit de ne pas nous inquiéter car le lendemain matin il n’y aurait plus de traces et cela n’abîmerait pas le carrelage. Elle sortit un cylindre d’aspect nickelé qui émit une quantité incroyable de mousse et qui laissa une grande tache sur le sol comme s’il avait été vernis. Nous n’osâmes même pas demander ce que c’était. La demoiselle YU se mit à l’intérieur et nous sortîmes tous les trois. L’autre nous dit qu’elle ne se coucherait pas et qu’elle resterait debout toute la nuit dans le couloir. En rentrant dans notre chambre nous étions ma femme et moi si nerveux et préoccupés que nous n’osions même pas nous déshabiller. Je ne sais pas pourquoi ma femme me rendit de plus en plus nerveux disant que la police risquait de venir, comme si nous étions en train de commettre un crime ou autre chose de mal.

Nous étions assis sur le lit sans parler quand au bout de vingt minutes elle se lève en disant qu’elle va demander si elles ont besoin de quelque chose. Au retour elle me raconta : la plus grande se promenait dans le couloir, les bras croisés dans l’obscurité. A voix basse elle lui demanda s’il était raisonnable de lui souhaiter bonne nuit et lui demander si elle avait besoin de quelque chose. L’autre lui dit qu’en effet c’était courtois et qu’elle n’avait qu’à entrer sans appeler; ma femme voulut frapper à la porte mais elle lui dit aimablement que ce n’était pas la peine car elle ne dormait pas encore. Les deux entrèrent. Notre salle à manger a une grande table et une petite dans un coin près du balcon. Le balcon était entr’ouvert. La lumière était éteinte mais ma femme dit qu’au sol à côté d’elle et de la petite table, il y avait une sorte de disque un peu plus grand qu’une pièce de cinquante pesetas qui était très phosphorescent et qui permettait de la voir assez bien. Elle se redressa et ma femme lui demanda si elle désirait quelque chose car elle était très nerveuse en pensant qu’elle manquait de confort. Elle me dit aussi qu’elle portait une espèce de maillot de bain. Comme la lumière était faible elle ne put en distinguer la nature. Elle était au sol sur la tache jaune. Elles échangèrent quelques mots et sortirent de nouveau.

Dans le couloir, elle parla avec l’autre. Elles restèrent un long moment à parler à voix basse. Cette « jeune fille » était mariée et son mari était sur UMMO et elle avait été sélectionnée pour venir sur notre planète. Sur UMMO elle était comme un professeur d’une spécialité de mathématiques mais ma femme n’arriva pas bien à m’expliquer quelle était sa mission sur Terre, mais il semble que cela avait un rapport avec l’étude de l’histoire des anciennes sciences physiques de la Terre. Étant au Mexique elle commit une désobéissance et il semble qu’elle subissait une punition en servant de femme de chambre à son chef. Bref une longue histoire.

Nous nous levâmes de bonne heure. Elles étaient et se parlaient dans la salle à manger. Elles nous demandèrent l’autorisation d’utiliser la salle de bains. La plus grande se baigna d’abord et YU resta dehors en parlant avec nous. Ensuite elles entrèrent les deux. Le plus curieux est que ma femme constata qu’elles n’avaient pas utilisé ni les serviettes ni le savon alors qu’elles avaient utilisé la baignoire. La tache jaune au sol avait disparu. Même avec une loupe il ne restait rien. Elles ne voulurent pas prendre le petit déjeuner mais insistèrent pour que nous le prenions, ma femme et moi. Il se passa autre chose : Yu un parlait avec nous et l’autre, qui était debout, se mit à regarder avec curiosité en tournant la tête vers les meubles de la salle à manger . La jeune s’en rendit compte et dans sa langue lui dit quelque chose sur un ton qui nous parut doux mais la plus grande, UUO, devint rouge, lèvres tremblantes et larmes aux yeux. Nous avons fait semblant de rien et avons continué de parler.

Elles partirent de bonne heure et revinrent à la nuit. Nous n’oublierons jamais les conversations que nous avons eu avec cette jeune fille. Ma femme était si impressionnée qu’elle me confia que maintenant elle croyait vraiment qu’ils étaient d’Umo. De plus, ce même jour, le 27, Dei 98 vint me dicter différentes choses parmi lesquelles des lettres que vous recevrez. Dans l’une il annonçait la nouvelle de l’arrivée au Brésil, en Bolivie, et en Espagne de leurs nefs interplanétaires. Il me dicta d’autres rapports et me dit qu’il continuerait à le faire dimanche et mardi car il ne savait pas si sa supérieure leur donnerait à tous l’ordre de partir mais il pensait que oui, car il était certain que personne ne débarquerait plus des nefs et que tous ses frères avaient reçu ordre de se regrouper au Brésil, Bolivie, et Espagne en quittant tous les autres pays où ils étaient. Je lui demandais s’ils reviendraient et il me répondit qu’il ne savait même pas s’ils allaient partir. Je lui ai demandé aussi si elle le savait ou s’ils attendaient des ordres de ceux du vaisseau et il me répondit qu’il n’était pas nécessaire d’attendre les vaisseaux pour connaître les ordres (ils appellent leurs nefs Oauelea-ueba-oemm) et qu’elle savait mais qu’elle n’était pas coutume de donner des explications à ceux qui étaient sous ses ordres. Mais qu’il préférait quand même me dicter certains documents pour que je les envoie à certaines personnes à des dates déterminées et cela pour le cas où l’ordre de partir serait donné. (Il me fit taper trois autres documents pour trois personnes qui résident à Paris et Lyon, écrits en français.) Le jour suivant dimanche après-midi, Yu 1 revint sans sa sœur mais accompagnée par Asoo trois et par un autre que je ne connaissais pas, très jeune et qui ne parlait pas non plus l’espagnol (ou qui ne voulait pas le parler). Ils me remirent des petits paquets à expédier et une enveloppe pour moi en me demandant de ne pas l’ouvrir et Asoo trois me dit en tête-à-tête que, quoi qu’il arrive, je garde le silence sur mon identité car, s’ils revenaient sur Terre, un autre monsieur et moi étions leurs seules relations en Espagne. Yu un nous fit ses adieux le mardi matin en disant qu’elle ne dormirait plus chez nous et qu’elle passerait la nuit aux alentours de Madrid. Dei 98 vint la chercher et ils montèrent dans un taxi dont j’ai noté le numéro d’immatriculation. Au moment du départ, nous étions très impressionnés. Je ne les ai plus revus.

J’ai appris l’arrivée de la nef par les journaux. Dans l’un il y avait même des photographies. Toute la nuit ma femme et moi avions passé la nuit du mercredi à nous promener près de « La Casa de Campo et Argüelles » car ils nous avaient dit que l’arrivée du vaisseau était plus probable le mercredi que le jeudi.

Le jeudi, nous restâmes jusqu’à onze heures du soir près de la cité universitaire et, comme il ne se passait rien, morts de sommeil, nous sommes rentrés. L’après-midi suivante nous avons appris la nouvelle par le journal Pueblo et nous avons acheté tous les journaux de l’après-midi pour avoir des nouvelles. De plus nous les avons appelé par téléphone mais ils ne répondaient pas.

Moi je n’avais aucun doute depuis longtemps, mais ceci s’il en restait finit de me convaincre ainsi que mon épouse. Je ne sais pas si je rêve et si vous n’étiez pas là, vous qui receviez leurs lettres, ma femme, mon beau-frère et les nouvelles des journaux, je croirais que je suis fou. Ceci est la chose la plus importante que j’ai connu dans ma vie et s’ils ne m’avaient pas demandé d’être discret, cela ne me ferait rien qu’on me prenne pour un fou et je le crierai aux quatre vents.

Une seule chose me préoccupe maintenant. Pourquoi sont-ils partis ainsi, si vite et tous ? Le dimanche soir nous eûmes ma femme et moi une longue conservation avec elle. Elle nous donna de merveilleux conseils sur la nourriture sur l’éducation des enfants. Nous avons parlé des voyages spatiaux des Américains sur la Lune et elle nous raconta des choses sur l’astronomie qui nous laissèrent bouche bée au point que moi qui étais complexé au début car c’était presque une gamine, je me sentis dominé par elle et je ne sais pas comment on en vint à parler de toute cette histoire entre l’Égypte et les Juifs. Je lui demandai ce qu’elle en pensait et elle nous dit de nous tranquilliser, qu’il n’y aurait pas de guerre mondiale. Mais ensuite elle resta pensive et elles se regardèrent entre elles très significativement. Ensuite comme elle s’était aperçue que nous avions remarqué ce regard elle répéta d’une voix assurée qu’il fallait être tranquillisée que cette guerre n’aurait pas lieu. Mais j’ai retourné cette histoire dans tous les sens. Pourquoi sont-ils partis tous et si rapidement ? On dit que les rats abandonnent le navire avant qu’il commence de couler. Ils faisaient leurs études, ils me dictaient leurs documents scientifiques et d’autres choses et puis subitement. Nous ont-ils dit qu’il n’y aurait pas de guerre comme on ment aux enfants avant un bombardement pendant la guerre ? Ils sont très au courant de la politique et des armements. Dei 98 m’annonça à l’avance l’heure exacte de l’explosion de la bombe chinoise, heure qui fut confirmée par les journaux (chose qui me fit penser que ma femme avait raison et que c’étaient bien des espions).

Enfin, je m’étais soulagé avec vous car cela était nécessaire. Je pense écrire ce soir une autre lettre à une autre personne parmi celles qui reçoivent des documents.

Je désire vous exprimer mon amitié puisque nous avons été vous et moi témoins de tout ceci. Pardonnez-moi de ne pas signer.

: E3 | D136-2

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